• République Livre X

     

    Il [Er] disait en effet que c'était à la vérité un spectacle digne d'être vu que la manière dont chacune [620a] des âmes choisissait sa vie ; et il était en effet pitoyable à voir, et risible et étonnant ; c'est en effet selon les habitudes de leur vie antérieure que la plupart choisissaient. Il disait en effet d'une part avoir vu une âme qui avait été autrefois celle d'Orphée choisir une vie de cygne, ne voulant pas, par haine pour la gent féminine du fait de sa mort par leur fait, naître enfanté par une femme ; il avait vu d'autre part celle de Thamyras (33) choisir un rossignol : il avait encore vu un cygne changer pour un choix de vie humaine, et d'autres animaux musiciens pareillement. [620b] Et la vingtième âme appelée par le sort de choisir une vie de lion : c'était celle d'Ajax, fils de Télamon, évitant de redevenir homme, au souvenir du jugement des armes. (34) La suivante fut celle d'Agamemnon ; par haine elle aussi de la race humaine à cause de ce qu'elle avait subi, elle changea pour une vie d'aigle. Placée par le sort au milieu, l'âme d'Atalante (35), ayant remarqué les grands honneurs rendus à un athlète homme, n'eut pas la force de passer outre, mais prit cela. Après [620c] celle-là, il vit celle d'Épeios (36), fils de Panopée, aller vers une nature de femme industrieuse ; loin, dans les derniers rangs, il vit celle du bouffon Thersite (37) entrer dans un singe. Puis, du fait du hasard, celle d'Ulysse, placée part le sort la dernière de toutes, vint choisir, mais, délivrée par le souvenir des peines antérieures du goût des honneurs (38), elle chercha en tournant un long moment une vie d'homme privé étranger aux affaires, et en trouva avec peine une étendue dans un coin et négligée [620d] par les autres, et elle dit en la voyant qu'elle aurait agi de même, le sort l'eût-il placée première, et contente, elle la prit pour elle.